La Chancellerie et la Résidence

Construite en bord de mer dans le nouveau quartier diplomatique et administratif d’Al Khuwair, à mi-chemin entre la vieille ville de Mascate et l’aéroport international de Seeb, la nouvelle Ambassade de France en Oman a été achevée fin 1989.

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Son architecture, d’emblée, surprend l’oeil et l’esprit : angles droits, voûtes rondes, lignes obliques dessinent une perspective nerveuse et insolite, d’autant plus saisissante que les bâtiments voisins sont pour la plupart de facture très classique.

L’édifice se veut un point de rencontre entre la culture omanaise et le savoir-faire français : son dessin emprunte des éléments à l’architecture traditionnelle de la région, pour les concentrer et les fondre dans un ensemble dont la conception et la réalisation sont ultra-moderne. On reconnaît ainsi les colonnades, les arcades et les voûtes basses, les claustras, la coupole...

Mais c’est avant tout par son immense auvent suspendu que l’Ambassade se distingue : cet impressionnant canevas de béton couvre la totalité de l’espace constructible du terrain (5000 m2 sur 8000).

Il est fait de 1500 chapiteaux reposant sur 200 colonnes ; l’ensemble, qui mesure 180 mètres de long, subit plusieurs mouvements différents :

- il s’incline à 3,21° vers la mer, ce qui permet de marier la hauteur monumentale des premières colonnes (6,50 m), du côté de l’entrée de l’Ambassade, qui est celui de la montagne, et la dimension plus humaine et plus intime des dernières (3,50 m), du côté du jardin de la Résidence, qui est celui de la mer ;

- il est légèrement incliné vers son axe central (à 1°) ;

- enfin, il s’élargit, selon un angle de 2 degrés, de la montagne vers la mer.

Ce triple mouvement (pente descendante, inclinaison vers le centre, élargissement général) est celui des vallées, des " wadis " qui percent la montagne omanaise et relient celle-ci à la mer. L’image du wadi se précise avec le décor de l’esplanade d’entrée, fait de galets de taille décroissante ; elle se confirme avec le " ruisseau " central, qui court de bassin en bassin d’un bout à l’autre du terrain, et qui est aussi une figure du " falaj ", le traditionnel canal d’irrigation omanais.

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vitraux

Malgré sa taille, l’auvent apparaît léger et aérien ; les multiples ouvertures ménagées dans ses caissons en font une sorte de voile ajouré, égayé par les jeux de couleurs de quelques vitraux. L’auvent donne une puissante unité à quatre corps de bâtiments (2 ailes de trois logements de fonction, le bloc central de la chancellerie diplomatique et consulaire, la Résidence de l’Ambassadeur) : il les prend, pour l’oeil, dans une trame unique, mais il les unit aussi dans un même périmètre d’ombre et de fraîcheur.

Car cet auvent est, pour ses concepteurs, un " moucharabieh métaphorique " : de même que le moucharabieh traditionnel, aux fenêtres des maisons arabes, casse les rayons du soleil et protège l’intérieur d’une lumière et d’une chaleur excessives, de même le moucharabieh de l’Ambassade définit-il un espace ombragé, à l’abri de l’écrasant soleil omanais.

Une séparation est ainsi établie entre la partie supérieure et la partie inférieure des bâtiments ; elle est accentuée par la différence des matériaux de construction ; les parties supérieures sont en effet revêtues de marbre gris clair de Carrare, tandis que les parties inférieures sont recouvertes d’un vernis bleu sombre : au-dessus du moucharabieh, la lumière irradie, en-dessous de celui-ci, elle est absorbée.

Symbole par excellence de l’architecture arabe, la coupole qui coiffe la chancellerie est en métal et pèse 14 tonnes. L’une de ses fonctions est de créer artificiellement un courant d’air occasionnel afin de rafraîchir le patio de la chancellerie. Elle protège aussi la cour intérieure du soleil, tout en laissant passer la lumière qui éclaire les bureaux (service culturel et salle audiovisuelle au rez-de-chaussée, chancellerie consulaire au premier, chancellerie diplomatique au second). Un " falaj ", recouvert d’une grille, traverse le patio de part en part, en direction du jardin et de la mer.

Le jardin qui sépare la chancellerie de la Résidence de l’Ambassadeur a été dessiné comme une sorte de palmeraie fleurie ; le " falaj " central s’y élargit en bassin.

La Résidence s’ouvre par une lourde porte à deux battants en bois sculpté, de couleur sombre et de style traditionnel, qui tranche délibérément sur son environnement de béton. Cette porte est entourée d’une façade en verre qui permet à la lumière naturelle d’éclairer le vestibule de la Résidence. Celui-ci mène le visiteur vers les pièces de réception, à travers une haute et large cloison en verre dépoli, dont le décor a été dessiné par Folon : des oiseaux transparents y annoncent ceux qui survolent sans cesse le jardin de la Résidence.

Les salons sont ouverts sur une terrasse de marbre noir et sur un dernier grand bassin, qui prolonge la perspective du " falaj " de l’entrée.

Le jardin est moderne, mais à la française : la symétrie et la géométrie de Le Nôtre sont respectées. D’un côté, un bassin et son jet d’eau, de l’autre la piscine, tous deux entourés des mêmes carrés de verdure et de fleurs. Entre les deux, le " falaj " central achève son cours et se jette dans la mer.

Les soirs de réception, lorsque l’Ambassade est illuminée et que les portes de la chancellerie et de la Résidence sont ouvertes, le regard peut embrasser une remarquable perspective intérieure, depuis les colonnes de l’entrée jusqu’à la plage : elle évoque la salle hypostyle d’un Karnak moderne.

Trait d’union entre la France et l’Oman, entre la montagne et la mer, entre les acquis du passé et les techniques de l’avenir, l’Ambassade de France est une authentique réalisation de prestige. Appuyée sur près de trois cents ans de relations franco-omanaises, elle regarde délibérément vers le XXIème siècle et la nouvelle dimension des rapports bilatéraux.

Dernière modification : 28/12/2009

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